Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/118

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Quand ils me virent si misérable, ils eurent pitié de moi et me revêtirent de leurs habits. Je leur demandai pourquoi ils étaient venus, ils me répondirent que c’était à cause de moi, et qu’on leur avait ordonné d’employer tous les moyens possibles pour me conduire à bord. Cette nouvelle remplit mon cœur de joie ; et je dis à l’un des deux, qui se nommait Pérot, et qui parlait la langue des sauvages, de se faire passer pour mon frère, et de leur dire qu’il avait apporté quelques caisses de marchandises qu’on leur donnerait s’ils me conduisaient à bord ; mais celui-ci chercha à me persuader de rester encore parmi eux, pour rassembler du poivre et d’autres marchandises jusqu’au retour du vaisseau, qui devait revenir l’année suivante.

Les sauvages consentirent à me laisser aller à bord : mon maître lui-même m’y accompagna. Les gens du vaisseau me témoignèrent beaucoup de compassion et me comblèrent de bons traitements. Après être resté un jour ou deux à bord, Abbati Bossange me demanda où étaient les caisses de marchandises, afin qu’il pût s’en retourner. Je fis part de cette demande au capitaine du bâtiment, qui me dit de l’amuser jusqu’à ce que le vaisseau eût son chargement, car il craignait de l’irriter en me gardant à bord, et qu’il ne machinât quelque trahison ; en effet, c’est une nation à qui on ne peut se fier.

Mon maître était bien décidé à m’emmener avec lui. Je parvins à le retenir, en lui disant que rien ne nous pressait, et qu’il savait bien que, quand de bons amis étaient ensemble, ils ne pouvaient pas se séparer si vite ; qu’aussitôt que le vaisseau serait prêt à partir, nous retournerions ensemble à son village.