Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/124

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C’est au port de Dieppe qu’appartenait le vaisseau la Marie Belette, à bord duquel s’était embarqué, pour retourner en France, l’interprète qui avait dit aux sauvages de me manger. L’équipage avait refusé de me recevoir dans la chaloupe quand je m’étais échappé, et le capitaine avait livré aux Indiens un Portugais pour être dévoré, après avoir pris un vaisseau de cette nation.

Ce vaisseau n’était pas encore arrivé, quoique, d’après le calcul du capitaine de la Catherine de Vatteville, il eût dû nous précéder de trois mois. Les femmes et les parents des gens de l’équipage vinrent me demander si je n’en avais pas entendu parler. Je leur répondis : « Oui, je les ai vus, et ce sont des misérables ». Je racontai alors comment celui qui m’avait vu dans le pays des sauvages, leur avait dit de me dévorer ; qu’ils étaient venus avec leur embarcation pour acheter aux naturels des singes et du poivre, et qu’ils m’avaient repoussé quand j’y étais arrivé à la nage. Enfin, ajoutai-je, ils ont livré un malheureux Portugais pour être mangé ; mais je vois bien que Dieu n’avait voulu que ma délivrance, puisque je suis arrivé avant eux. « Je m’inquiète peu de ce qu’ils sont devenus ; mais je vous promets bien que Dieu ne leur pardonnera pas la cruauté et la barbarie dont ils ont usé à mon égard, et il les punira un jour ou l’autre ; car je reconnais que le Seigneur a eu pitié de mes larmes,