Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/48

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Nous nous éloignâmes tellement de la terre pendant la nuit, que le lendemain nous l’avions perdu de vue. Cependant nous en approchâmes de nouveau malgré l’orage ; et celui qui prétendait connaître le pays assura que nous étions en face de Saint-Vincent. Quand nous gagnâmes la côte, elle était tellement couverte de brouillards, qu’on ne pouvait rien distinguer. Les vagues étaient si fortes, que nous fûmes obligés de jeter à la mer tout ce qu’il y avait de pesant à bord du vaisseau pour l’alléger un peu ; et, malgré notre inquiétude, nous continuâmes notre route, pensant entrer dans le port des Portugais ; mais nous nous trompions.

Aussitôt que le brouillard se fut dissipé, Roman nous dit que nous étions tout près du port, et que nous le verrions dès que nous aurions doublé un rocher qu’il nous montra. Cependant, quand nous l’eûmes dépassé, nous ne vîmes rien que la mort devant nous ; car ce n’était pas le port, et les vagues nous poussaient droit à la côte où elles se brisaient avec une violence épouvantable. Alors nous recommandâmes nos âmes à Dieu, et nous nous préparâmes à la mort, comme c’est le devoir des marins qui sont sur le point de faire naufrage. Les vagues nous élevaient si haut, que nous nous trouvions suspendus en l’air comme si nous avions été au haut d’un mur. Dès que le vaisseau toucha la côte, il fut brise en morceaux ; quelques-uns sautèrent à l’eau et gagnèrent la terre en nageant ; d’autres y arrivèrent portés sur des débris. Enfin, par la grâce de Dieu, nous échappâmes tous ; mais le vent et la pluie nous avaient presque entièrement glacés.