Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/58

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Cet Héliodorus était l’écrivain et l’intendant de la plantation, et j’avais été autrefois très-lié avec lui, parce qu’après mon naufrage près de Saint-Vincent, à bord du vaisseau espagnol, je l’avais trouvé dans cette colonie, et il m’avait traité avec amitié. Il venait pour voir comment je me portais, ayant entendu dire que j’étais malade.

J’avais envoyé la veille mon esclave dans les bois pour chercher du gibier, et lui avais promis de venir le reprendre le lendemain, afin que nous eussions de quoi manger, car dans ce pays on n’a guère que ce qui vient du désert.

Pendant que je traversais la forêt, j’entendis près de moi des sauvages qui poussaient de grands cris, selon leur usage. Je m’en vis bientôt entouré et exposé à leurs flèches. A peine avais-je eu le temps de m’écrier : « Seigneur, ayez pitié de mon âme ! » qu’ils me renversèrent et me frappèrent de leurs armes. Heureusement, grâce à Dieu, ils ne me blessèrent qu’à la jambe et m’arrachèrent mes habits. L’un s’empara de ma cravate, le second de mon chapeau, le troisième de ma chemise, et ainsi de suite. Ils me tiraillèrent de tous côtés, chacun prétendant qu’il avait été le premier à s’emparer de moi, et ils me battirent avec leurs arcs. Enfin, deux d’entre eux me levèrent de terre, nu comme ils m’avaient mis : l’un me saisit par un bras, l’autre par l’autre ; quelques-uns me prirent par la tête, d’autres par les jambes, et ils se mirent ainsi à courir vers la mer, où ils avaient leur canot. Quand nous approchâmes du rivage, je vis, à la distance d’un ou deux jets de pierre, leur canot qu’ils avaient tiré sur la rive,