Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/83

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que j’avais dit que la lune regardait son village avec colère. En entendant cela, je pensai que c’était Dieu qui l’autre soir m’avait inspiré de parler de la lune, et l’espérance revint dans mon cœur en voyant que le ciel me protégeait.

Je me hâtai de lui dire : « C’est vrai, la lune est en colère de ce que vous voulez me dévorer, quoique je ne sois pas votre ennemi. » Il me promit alors qu’il me protégerait s’il revenait en santé ; mais je ne savais que demander à Dieu ; car je pensais : S’il revient en santé, il oubliera ses promesses et me fera mourir ; et s’il succombe, les autres diront : « Tuons cet esclave avant qu’il puisse nous faire de mal. » Je m’abandonnai donc à la volonté de Dieu, et je leur mis à tous la main sur la tête, comme ils l’exigeaient de moi. Mais Dieu ne voulut pas les épargner, et ils moururent les uns après les autres. Un enfant succomba le premier, puis sa mère, vieille femme qui devait fabriquer le vin qu’on boirait en me dévorant.

Puis son frère, un autre enfant, et enfin son second frère, le même qui m’avait apporté la nouvelle de leur maladie.

Quand il eut vu périr ainsi toute sa famille, il craignit de mourir aussi lui et ses femmes ; mais je le consolai en lui disant que je prierais mon Dieu de lui conserver l’existence, s’il me promettait de penser à moi quand la santé lui serait revenue, et de me laisser la vie. Il y consentit, et défendit sévèrement de me maltraiter ou de me menacer.