Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/91

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Nous tirâmes le canot à terre, dans l’espérance que l’orage s’apaiserait, et que nous pourrions continuer notre route le lendemain ; cependant, voyant qu’il ne s’apaisait pas, ils se décidèrent à aller par terre. Avant de partir, ils mangèrent la chair qu’ils avaient apportée, et le jeune garçon acheva de ronger son os et le jeta. Quelques instants après, le ciel commença à s’éclaircir. Vous voyez ! leur dis-je, vous ne vouliez pas croire que Dieu était irrité de voir cet enfant manger de la chair humaine. Néanmoins ils prétendirent que c’était ma faute, et que le temps serait resté beau s’il eût mangé sans que je m’en fusse aperçu.

Quand nous fûmes de retour au village, Alkindar Miri, un de mes maîtres, me dit : « Eh bien ! tu as vu comment nous traitons nos ennemis. » Je lui répondis : « Ce n’est pas de les tuer, mais de les manger que je trouve horrible. « C’est notre usage, dit-il, et nous traitons les Portugais de la même manière. »

Cet Alkindar Miri me détestait, et il aurait vu avec plaisir celui à qui il m’avait livré se décider à me tuer. Comme on l’a vu plus haut, Ipperu Wasu lui avait donné autrefois un esclave à tuer, pour qu’il pût s’acquérir un nom ; et il lui avait promis, en échange, de lui céder le premier prisonnier qu’il ferait ; ce qu’il avait exécuté en me livrant à lui. Voyant qu’il m’épargnait, il m’aurait volontiers tué lui-même ; mais son frère l’en empêchait, parce qu’il craignait de retomber malade.

Avant mon départ, Alkindar Miri, m’avait de nouveau menacé de me mettre à mort.