Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/104

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Sa parole était lasse. Elle soupira.

— C’est bien vilain, ici, l’hiver, quand il pleut, quand il fait froid. Nous causons, ou bien je lis ; je lis beaucoup. Je fais de la musique aussi.

Elle contemplait des bouquets d’arbres où de jeunes feuilles, bien lavées et d’un vert tendre, luisaient sous le reflet bleu du ciel.

— Oui, l’hiver est long. Avez-vous remarqué quelle influence la nature a sur nous ? Quand elle se chagrine, on est chagrin. Il y a une phrase que Pierre répète souvent et qui n’est pas de lui ; il dit qu’un paysage est un état de conscience. Qu’est-ce que cela signifie ?

Puis, ils se taisaient.

— Comme tu m’aurais plu, pensa Georges, si tu étais toujours comme te voici !

Jeanne avait tiré sur sa poitrine les deux pans de son châle ; elle se tournait parfois vers le jeune homme, avec un sourire de convalescente.

— N’est-ce pas que vous ne m’avez point aimée tout d’abord, en venant ? Ne niez rien, je l’ai vu, et Pierre me l’a presque dit.

Elle avait à demi baissé les paupières, et pendant quelques minutes, elle resta comme muette : muette et non silencieuse, car il y avait en elle une sorte de lutte inconsciente entre un besoin maladif de se confier et une pudeur d’ouvrir son âme ; sa pensée ébauchait des phrases courtes et sans suite qu’elle ne proférait pas.

À la fin, pourtant, elle dit :