Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/135

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confirma dans son appréciation et acheva en même temps d’effacer toute trace de vieille rancune.

Elle estima d’ailleurs qu’il y avait dans la conduite de Georges une preuve de sympathie pour elle, et se persuada qu’il aurait agi avec moins d’indulgence, aux premiers temps de son séjour. Elle sentait bien qu’il la voyait plus aimable et plus jolie, inconsciemment obsédé par la séduction d’un compagnonnage de chaque heure, enveloppé d’un charme inéluctable, pénétré. Elle le sentait.

Les femmes, qui ne règnent que par l’amour, se réjouissent de tout ce qui leur apporte une preuve de cette puissance éphémère, et n’aiment rien tant que de bouleverser par elle l’ordre régulier des choses : aussi sauront-elles gré à un sot qui, par amour, gagnerait de l’esprit, et à un homme de mérite qui paraîtrait sot.

Georges s’amollissait au milieu de ses propres sermons ; et Jeanne, pour l’affadir davantage, le ramenait à ses prêches, sachant qu’il n’était pas de ceux qui s’exaltent dans la constance d’une pensée ; elle le voyait descendre et lutter de raison pour composer ce que le sentiment seul aurait dû lui dicter.

Elle le nommait dévotement : « Mon père. » Elle lui demanda en riant si la mémoire de ses maîtresses ne le poursuivait pas, et comment il pouvait s’assouplir à ses récentes vertus d’anachorète.

— N’allez pas au moins faire la cour à ma femme de chambre : elle est mignonne.