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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/137

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Jeanne prit compassion de cet état ; elle voulut occuper leur hôte et le distraire de lui-même. Oui, compassion, vraiment : c’était une revanche.

Elle se mit, avec Desreynes, à préparer les salles pour le soir de la fête. Elle le chargeait, le pressait, le forçait à courir : la maison tout entière roula dans un chaos ; Jeanne découvrit des nids de poussière, et s’irrita contre ses gens ; les domestiques affairés passaient en grande hâte ; les salons, grandis par leur nudité, peuplés de sièges en droit ordre, se faisaient plus sonores, et dans l’embrasure des fenêtres une flore verdoyante montait.

La serre fut parée.

Jeanne s’en réserva la décoration ; Georges suivait la jeune femme, un peu amusé par tant de trouble ; même, quelques gaîtés le secouèrent dans sa torpeur.

Merizette voltigeait autour de lui, dans son peignoir clair.

Elle affectionnait ce costume presque antique, simple et beau dans ses longues lignes qui s’assouplissent aux rondeurs du corps, si chaste et si troublant tout ensemble, où la femme se perd et se modèle tour à tour, qui la rend invisible parfois, et parfois la révèle plus que nue en la dessinant de caresses.

Jeanne, souple, vive, la taille fière et sans corset, les cheveux un peu dépeignés, sautait sur la pointe de ses fins souliers, avec des légèretés de pinson, et ses manches assez larges s’envolaient comme des ailes.