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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/189

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lui, elle comprenait qu’elle n’aurait pas eu l’odieux courage d’exécuter cette promesse étrange.

Il répétait :

— N’est-ce pas que vous êtes bonne ? Qu’il faut brûler la lettre ?

Déjà Merizette lui souriait avec une complaisance presque tendre ; une rougeur teintait ses joues.

Elle dit : « Venez », et le conduisit dans la maison, jusqu’au seuil de sa propre chambre. Il hésitait à la suivre plus loin.

— Entrez avec moi.

Sa voix était chaste comme une prière, caressante comme une promesse de sœur. Georges obéit, mais s’arrêta encore, tenant du bras levé la lourde tenture de peluche. Jamais il n’était venu là. Une pudeur le gênait, devant l’intimité de cette pièce close à tous, sévère et pleine d’amour, tiède, où mouraient de subtils parfums sous les grands plis des draperies… De ces choses inconnues, se dégageait pour lui la crainte révérente qui émane du lit des vierges, et qui trouble le cœur d’un respect éloigné, suprême religion du souvenir pour l’innocence et la vertu.

— Avancez donc !

La portière laissa tomber derrière lui ses lignes majestueuses, infranchissable mur. Georges se sentit trop loin du monde et demeura au milieu de la pièce.

Il voyait Jeanne courbée vers un secrétaire, fouillant un tiroir. Quand elle une à lui, elle agitait une carte de papier japonais. Elle la lui tendit.