Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il faudrait penser, et vous saurez une chose que vous ignorez sans doute, mon cher : l’homme ne pense que lorsqu’il ne peut pas faire autrement. Moi, je ne pense pas, je cause.

— Vous vous moquez ! Avec cette hauteur d’esprit que tout le monde vous reconnaît, ces larges vues d’ensemble… Ah ! n’êtes pas à plaindre !

— Hauteur d’esprit ! Mettez un homme sur le faîte du Mont-Blanc, et dites-lui : « Comme je vous envie, monsieur, de pouvoir contempler à la fois la Suisse et l’Italie ! » Le pauvre diable ne jouira que des courants d’air. Vrai, il vaut mieux un petit coin de paysage bien étroit, où l’on puisse dormir à son aise.

— Ainsi donc, vous fuyez ?

— Dans deux heures.

— Sans remise ?

— Aucune.

— Et vous allez ?

— Aux champs.

— Pour longtemps ?

— Trois mois, trois jours, trois semaines.

— Tout seul ?

— On ne peut donc rien vous cacher ?… Eh bien ! soit : voilà deux ans que d’Arsemar m’appelle à chaque saison. Après une si longue séparation, je commence à lui manquer comme il me manque. Cette fois, je pars.

Desreynes revint à ses lettres ; il les prenait une à une et les examinait d’un coup d’œil : certaines s’en