Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/20

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allaient, jetées dans un plateau de laque aux fleurs rouges et blanches ; le reste s’empilait sur un coin de la table.

— Vous excuserez, n’est-ce pas ? J’ai là de nombreux courriers auxquels je n’ai pas encore eu le courage de répondre, et je veux emporter avec moi les lettres qui demandent un mot.

Le visiteur s’était remis à frapper de sa canne le bout de sa bottine.

— D’Arsemar… Beaucoup entendu parler : votre meilleur ami ?

— Mon seul ami, cher ami.

L’autre décroisa ses jambes, qu’il allongea, les talons à terre et les pieds verticaux ; maintenant, les mains entre les genoux, il cognait sa canne au rebord de ses deux semelles.

Il ajouta, un peu piqué :

— Oui, mais le mariage change bien des choses, et vous ne l’avez pas revu depuis qu’il a pris femme. On la dit jolie, sa légitime…

— Il paraît.

— Ah, farceur ! Comprenons votre fugue et votre hâte !

Pour la troisième fois, mais plus lentement, Desreynes se retourna, et les paupières un peu baissées, il dit, avec une exquise urbanité :

— Mon bon, vous êtes un sot.

Le balancier de la canne s’arrêta : le sportsman recroisa ses jambes et rit, pour avoir l’air de répondre quelque chose.