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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/210

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Une servante annonça la visite du baron de Valtors : Marizette sursauta. Du monde ! Il ne manquait plus que cela !

— Dites que je suis sortie !

— Pourquoi le renvoyez-vous ? supplia Georges : il nous aurait divertis.

— Vous vous morfondez donc bien en ma seule compagnie, mon cher ? Pour le dernier soir…

Valtors se retira, très vexé, sachant que la comtesse était au parc avec Desreynes.

Le contre-temps auquel elle venait d’échapper rendit la jeune femme plus sensible à la perte du jour suprême. La phrase de Georges l’incita aussi : puisque l’homme reculait, à elle d’avancer !

— Il faut… il faut…

Desreynes avait enfin reconquis une sorte de naturel, et se jouait avec insouciance et même avec esprit dans les mille riens que son redit aux femmes.

Jeanne l’écoutait mal, obsédée par la volonté fixe, lancinante, d’inventer une minute qui fût anormale, qui lui donnât une émotion, qui lui laissât un souvenir. Son imagination, tracassée par la fuite du temps, s’enfiévrait à la recherche d’une folie qu’elle ne trouvait pas. Elle sautait d’une idée à peine conçue à une idée que d’autres venaient chasser en foule. Elle s’agitait sur son banc, faisait claquer ses petits doigts et pressait ses ongles dans ses paumes. La tranquillité que Georges avait gagnée acheva, par contraste, de la jeter dans cette violence de sensations