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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/252

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et Jeanne eut besoin de convoquer tous les ordres de son vouloir pour exécuter une fantaisie si hasardeuse ; elle évita d’y réfléchir pour ne pas reculer, et marcha droit. Pourtant, arrivée dans le parc, elle ne les vit plus, ces deux hommes, et fut, sans en convenir, très soulagée de ce répit.

— Voilà Jeanne, s’écria Pierre.

Mais à ce moment un groupe s’avançait vers eux : un ouvrier, une femme, trois enfants ; Arsemar reconnut les Barraton.

— Venez, mon brave ! Eh bien, vous voilà libre, je vous félicite.

Cette diversion empêcha Pierre de remarquer que Jeanne et Georges ne se saluaient point : face à face, pâles tous les deux, les amants se battaient de leurs prunelles fixes : Georges avec un mélange de colère, d’effroi et de menace, Jeanne avec défi.

Encore, elle eut pitié de le voir si défait, surtout parce qu’elle se sentait forte. Dans cet instant, s’il eût montré la plus simple bienveillance, elle l’eût aimé : peu de temps, sans doute.

— Sûr, monsieur le comte, que j’ai passé un temps bien dur à cette justice, et c’est cruel tout de même de vous enfermer dans des prisons avant de savoir qui a fauté…

— Si ça durait moins longtemps, reprit la femme, mais voilà quasiment trois mois que mon homme est là dedans, ma bonne dame. Et sans votre mari, qui a eu bien de la bonté pour nous, je ne sais