Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas où nous serions, moi et mes pauvres enfants.

— Sans compter que j’y moisirais encore si vous ne vous étiez pas donné tout le mal qu’on m’a dit… Mais vous n’aurez pas affaire à un ingrat, allez ! Et si jamais vous avez besoin d’un homme…

— Oui que vous avez là un bon époux, ma bonne dame, et qui vous aime bien, et si tout le monde était comme vous autres, il n’y aurait pas tant de mauvaises gens sur la terre…

Jeanne, de bonne foi, acceptait pour sa part la moitié des éloges ; l’adultère rompt-il un ménage ? Une coquette peut tromper un mari : quand il est à la gloire, elle est à ses côtés. Pourquoi non ? Un mari, c’est pour le monde ; un amant, c’est pour soi-même.

Afin de s’associer plus pleinement à l’œuvre de sa maison, la comtesse tira de sa poche une jolie bourse de velours dont elle partagea le contenu entre les trois enfants. Elle se retourna vers l’ennemi, et son regard disait :

— Voyez que je suis charitable et qu’on m’aime !

Mais, dans les yeux qu’elle cherchait, elle se vit condamnée.

— « Il va tout dire ! »

D’Arsemar invita la famille à déjeuner chez lui, et voulut garder à sa table la fille aînée des Barraton.

La petite était jolie et riante ; le comte la prit par la main ; comme la cloche de l’office venait de sonner, il dit à Georges en souriant :