Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/258

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regardaient Desreynes et la comtesse avec un œil défiant, haineux, et quand l’ouvrier se trouva près du comte, il lui dit à mi-voix : « Si jamais vous avez besoin d’un homme… »

— Que diable me veut-il avec ses airs de mélodrame ?

Pierre accompagna Georges jusqu’à sa chambre : peut-être son ami lui parlerait-il là ? Jeanne le redoutait bien ; mais l’autre ne le redoutait pas moins qu’elle, et d’Arsemar pensa que, pour l’instant, une heure de sommeil vaudrait mieux que des larmes. Il ne demanda rien à celui qui ne disait rien.

Desreynes eut froid quand il fut seul.

— Je suis lâche !

De plus forts eussent tremblé devant le coup de massue à asséner sur ce bonheur, plus cher pour lui que le sien propre.

— Ai-je le droit ? Ai-je le devoir ? Enfin, las de lutter, las de chercher, ne raisonnant plus, sachant seulement qu’il avait autrefois décidé son aveu, il se dressa et sortit.

— Où est monsieur le comte ?

— Dans le parc, avec madame.

Il n’hésitait pas.

— Tant mieux, qu’elle soit près de lui, la tâche sera plus prompte et tout sera fait d’un coup.

Avec cette brusque détermination qui est le courage des faibles, et que les forts sont parfois bien heureux de gagner, avec cet héroïsme blême qui se jette