Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/287

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— De qui ?

La conversation tomba. Jeanne piquait violemment sa fourchette sur la porcelaine et faisait autour d’elle un cliquetis de métal.

Desreynes, que blessaient ces airs d’importance, affecta de n’y donner aucune attention, et s’efforça de causer calmement de choses indifférentes. Un tel jeu ne pouvait produire en la jeune femme qu’un déplorable et dangereux résultat. Cette tranquille intimité entre les deux amis, cet abandon pour une soirée, et, par-dessus tout, cette sérénité chez un homme qu’elle avait menacé, chaque chose et chaque idée l’exaspéraient davantage.

Elle rageait pour son plaisir, et n’avait pas minaudé une colère dans le dessein d’être intéressante, mais elle fut choquée qu’on s’y intéressât si peu. Son mari lui-même semblait s’associer aux provocations de Desreynes : étaient-ils déjà ligués contre elle, et Georges exerçait-il sur l’autre un ascendant plus puissant que le sien ? Elle y pensa, dans son pessimisme provisoire. Que son ennemi le plus haineux s’acharnât à détruire l’estime et l’amour d’Arsemar, c’était logique ; qu’il y parvint, c’était possible : alors, on la planterait là, comme une niaise !

« De quoi s’occupaient-ils avant le repas, enfermés tous deux dans le cabinet du comte, où trois domestiques furent appelés tour à tour ? Une enquête ? »

Elle regarda son mari, qui, rencontrant ses yeux, lui sourit.