Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/306

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Pierre suivait, dos courbé, en s’appuyant ; il serrait de ses doigts la manche de Desreynes, dans la crainte indécise qu’on ne l’abandonnât de nouveau ; il trouvait si bon d’avoir là un vivant qui pût lui parler ! Il se tenait tout contre lui, et goûtait un bien-être de, convalescent à ne plus rester seul ; il était si profondément épuisé d’émotions et de souffrance, si faible, que l’effroi de la solitude excluait les autres sentiments.

Il avait oublié le crime, et donnait une reconnaissance naïve à celui qui voulait bien lui témoigner de la bonté, comme s’il n’eût aucun droit à rien, depuis qu’il était misérable.

Il venait de retrouver une consolation, un appui moral, une sympathie inespérée : non plus l’amitié, car elle doit, mais la charité. Cet homme était pour lui un passant autrefois connu qui le recueillait maintenant par pitié et lui prêtait un coin bienveillant de son cœur.

Certes, il ne formulait pas ces subtilités maladives ; mais il les subissait physiquement : sans doute parce qu’il avait cru Georges perdu pour lui, et que sa tête fatiguée n’était plus capable de réformer les impressions reçues.

Il se cramponnait avec un égoïsme de fou à cette compagnie de salut…

Cet état de rêve dura longtemps, et fut pour Arsemar un calmant répit à ses tortures.

Enfin, son esprit devint plus lucide ; il reconnut