Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/310

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des villes inconnues ; des bandes de pourpre et d’ocre tailladaient le bas du ciel, et les collines refroidies devenaient, d’instant en instant, plus violettes et plus sombres ; Vénus avait monté, l’étoile du rêve s’en allait ; les belles armées étaient mortes et le firmament alourdi se glaçait d’un grand bleu funèbre.

Pierre contemplait sa vie dans le couchant ; son dernier jour de bonheur et son premier jour de misère s’éteignaient avec ce crépuscule. Une plaque jaune encore luttait sinistrement contre la nuit. Oh, la retenir, cette lueur agonisante, suprême adieu des temps qui ne reviendront plus !

Georges alla chercher un manteau pour en couvrir son frère, et s’assit à son côté.

— Que je suis malheureux ! Tu ne m’abandonneras pas, dis ?

— Non, répondit Georges en se rapprochant.

Pierre se pressa contre lui, dans une attitude d’enfant qui veut dormir.

Ils demeurèrent muets dans le temple de la nuit.

Desreynes dit enfin :

— Nous quitterons cette maison, n’est-ce pas ?

Arsemar consentit d’un geste de tête.

— Et nous irons loin ?

— Oui, bien loin !

— Demain, veux-tu ?

— Je veux bien.

Ce fut tout, et chacun rentra dans sa tristesse.

Puis :