Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/404

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pied, sur les laves durcies qui renflaient les courbes folles de leurs torrents figés ; quelques fleurs exilées s’épanouissaient sur le métal. Le sol devint rouge et friable, puis d’un brun terreux, puis, commença le pays noir. Sur la pente abrupte, ils s’enfonçaient jusqu’à mi-jambe dans un gravier coupant comme du mâchefer. On entendit le bruit rauque du volcan et des avalanches. Un froid glacial courait sur le flanc du cône ; des nuées pâles, en foule, en cercle, montaient à l’assaut du sommet, dans le vent rapide. Ils atteignirent un sentier qui glissait entre deux lignes de roches : des trous d’ombre étaient pleins de neige ; les gouttes suintaient ou claquaient sur la paroi déchiquetée.

Brusquement, la bise cessa, la chaleur fut celle d’une étuve, l’air s’emplit d’une odeur de soufre : les croûtes brûlantes avaient sous leurs pas la sonorité du verre ; autour d’eux, dans l’anfractuosité des rocs, fumaient de petits cratères. Le Porphyrogénète avait, dans son palais, étendu, sur le gris des laves, de fulgurants tapis qui se juxtaposaient avec une satanique harmonie : des velours non rêvés où la sourde richesse des bruns sans nombre se mariait à l’éclat de tous les rouges, vermillons, carmins, pourpres et saturnes, des ocres violents ou câlins qui se nuançaient jusqu’à la presque blancheur, des verts violents ou tendres comme des pousses en avril ; puis dans d’étroits ravins, des peluches violettes et mauves où glissent les blêmes courants d’une haleine sulfureuse…