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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/100

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FILLE



FILLE


à louis marsolleau


La vierge, ignorant tout, même sa pureté,
Couvrait le monde entier d’une tendresse blanche ;
Ses jours, comme des nids sous l’ombre d’une branche,
Chantaient dans leur tranquille et naïve bonté.

Qui l’a prise ? Qui l’a flétrie un soir d’été ?
Car la moisson d’amour frissonne sous sa hanche,
Et son front virginal, désolément, se penche
Vers ses flancs violés par la maternité.

Le rire des passants lascifs la crucifie :
Voilà qu’elle a compris et lu toute la vie
Dans le regard du monde hypocrite et moqueur.

Personne, ici, qui lui pardonne ou qui la venge !
Alors, froide, et buvant ses dégoûts à plein cœur,
Majestueusement, elle entra dans la fange.