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LA VIE INTÉRIEURE.

Dire que je te vois, sombre et désespérée,
Ployant sous tes regrets comme pour en mourir,
Et que je n’ai de droit, ô ma pauvre adorée,
Qu’à souffrir de te voir souffrir !


Dire que je suis là, fixe comme une pierre,
Demandant à ton Dieu d’avoir pitié de toi,
Dire que ta rancœur te reste tout entière
Quand elle est tout entière en moi.


Dire que mon amour n’a rien qui te console,
Que la morte, en partant, m’a tué dans ton cœur,
Et que son souvenir, seul rêve et seule idole,
Y règne exclusif et vainqueur !


— Et je m’en vais, sous l’œil des étoiles moroses,
Portant la double croix de ton mal et du mien,
Criant au ciel, criant à la pitié des choses :
« Elle pleure et je ne peux rien ! »