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LE SOIR.

Par delà le grand champ des mers aux sillons bleus,
Nous aurions, sans souci du temps et de l’espace,
Cherché le dernier coin des Édens fabuleux
Où les petits oiseaux n’ont pas peur quand on passe.


Nous aurions empli l’air d’un bonheur sans jaloux,
Communiquant la joie et faisant la lumière ;
La terre, autour de nous, eût gardé comme nous
L’éternel renouveau de sa beauté première.


Ah ! la douceur de vivre indiciblement pur !
Faire son avenir semblable à son enfance,
Rester une âme en fleur quand l’esprit devient mûr,
Et vieillir doucement sans crainte et sans défense :


Vieillir sans comparer les temps à d’autres temps,
Croire en Dieu, croire en soi, croire en tout ce qu’on aime !
— Seigneur, Seigneur ! Prenez pitié des pénitents
Et versez sur nos cœurs le pardon du blasphème !