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LES CULTES.

Un mont passa. Le temps fuyait. — « Si n’ai sa grâce,
Mon frère sera mort avant qu’il soit demain,
Mort, mon doux petit frère avant que je l’embrasse…»


Le col du destrier se tendait sous sa main,
Blanc d’efforts. L’air sifflait. — « Est-ce loin que nous sommes ? »
Et les sabots de fer claquaient sur le chemin.


— « As-tu pris mes joyaux, de l’or en larges sommes ?»
Un lac passa. — « Maudits les rois, les rois maudits,
Et que Dieu juge un jour ceux qui jugent les hommes ! »


Hop ! Hop ! L’aube teinta le bord des cieux blondis…
— « Des murs, là-bas, vois-tu ? — Non, c’est un bois qui houle…
— À qui le sauvera je rends mon paradis ! »


Le jour montait. — « J’entends les clameurs de la foule,
Des voix, des pas, le son des cloches au lointain !
— Madame, c’est le bruit d’un grand fleuve qui coule. »