souvenirs incompatibles : un tableau de lumière, puis, tout à coup, la nuit, une souffrance, plus rien.
On dit : « Quelle mort affreuse ! »
Nullement. Il n’y eut ni affres ni terreurs ; cette soudaineté n’en comporte pas : on vit, et, sans transition, on est mort. On n’a pas le temps de comprendre, et bien peu d’entre nous eurent le temps de souffrir.
On comprend si peu, que l’unique notion de moi fut tout d’abord un sentiment torpide d’être mort et de le savoir. Pour m’expliquer aujourd’hui cette bizarre impression, il m’en faut chercher l’origine dans l’évanouissement plus ou moins long qui aurait été consécutif au choc, et dont je sortais lentement. Admettez que tout ceci ne relève pas du bon sens mais des sens : j’étais mort, et je ne m’en étonnais même pas. J’existais dans du noir et j’existais à peine : c’était une sorte de naissance trouble, l’état d’une larve qui prendrait conscience d’elle-même, tout en demeurant indifférente à elle-même. Je ne me rappelais rien, je n’aspirais à rien : j’existais. Mort ou vivant, ou bien encore l’un et