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LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

l’autre à la fois, j’étais ce que j’étais, sans la moindre curiosité, même confuse, de me renseigner sur la nature de mon être. J’ai pu croire que l’âme est immortelle : cependant, je ne l’ai pas cru ; mais je l’ai su, comme on sait qu’il pleut, par constatation. Je subsistais si vaguement que la stupeur la plus inerte, auprès de cette conscience, semblerait un état de lucidité surhumaine.

Pourtant, non ! Je me trompe : il y en avait, de la stupeur, ou plutôt, il y en eut. Quand je regarde bien, je la découvre, à présent. Peut-être n’est-elle venue que par degrés ? Je le crois, car, en une certaine minute, cette idée de ma mort apparut à mon esprit comme indiscutablement acquise, et, du même coup, elle se fit surprenante. Sans doute cette surprise correspondait au premier réveil de l’intelligence ; le fait certain, c’est qu’elle correspond au premier souvenir un peu clair que je puisse vous présenter. Un moment précis a existé, en effet, où cette pensée (est-il permis d’appeler cela une pensée ?) se dégagea et s’enregistra : « Je suis mort. » Il me semble aussi, — mais peut-être je m’abuse, — qu’un instant après je me suis