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LE PRIE-DIEU

tier, je me suis trouvée en présence de deux hommes qui s’abritaient de la neige, appuyés contre la porte d’un monument ; ils fumaient des cigarettes, ce que j’ai remarqué, parce que cela m’a choquée, mais je ne leur en ai rien laissé voir ; ils étaient jeunes et ils avaient mauvaise mine ; cette rencontre imprévue m’a fait une impression pénible, car je suis maintenant très nerveuse, et j’ai marché plus vite ; j’ai entendu derrière moi ces hommes, qui me criaient des choses que je n’ai pas comprises ; je ne me suis rassurée qu’en arrivant au caveau, où je me sentais protégée par Lui, et j’ai bientôt oublié cette rencontre. J’ai rangé mes fleurs et je me suis agenouillée sur le prie-dieu, pour causer avec Lui. J’étais là depuis un certain temps, lorsque tout d’un coup j’ai éprouvé du malaise, et je ne pouvais plus penser, et Il ne me répondait plus, et c’était comme si quelqu’un nous avait écoutés. Je sentais un poids sur mon cou ; alors j’ai instinctivement tourné les yeux vers la porte, qui était restée ouverte, et j’ai vu la figure des deux hommes, qui étaient cachés et qui avançaient la tête, chacun d’un côté ; ils m’ont paru encore plus méchants, et, de saisisse-