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LE SETUBAL

et ses caprices étaient des lois. Son premier désenchantement l’attendait dans son premier amour.

Les destinées avaient voulu que le lieutenant don José de *** Y ***, comte de ***, se fût également épris d’elle : ceux qui connurent ce gentilhomme, et qui ont également connu mon frère, comprendront sans peine qu’une vierge de seize ans n’ait point hésité entre ces deux rivaux. Miguel, sans être un joli garçon, dégageait cette généreuse impression de vie et de jeunesse, cette belle humeur que donne un esprit droit dans un corps de santé alerte : il était franc, sûr, aimé de plusieurs et estimé de tous.

Don José se montrait tout juste le contraire : bilieux, jaune, laid, il était sombre et dur, profondément antipathique ; d’une intelligence vive, mais d’une morgue si hautaine qu’elle le rendait insociable, il se donnait des airs d’infant, sous prétexte que sa généalogie remontait à un bâtard du roi Philippe II, auquel il ressemblait d’ailleurs. Il en avait la taille et le port, la face longue, et cette proéminence du maxillaire inférieur qui caractérisa Charles-Quint et sa descendance ; il en