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LA PEUR

les confidences, maint roman s’ébaucha, et même fut mené à bien, ou à mal.

Quant à Miguel, il s’était violemment épris d’une jeune créole de grande beauté, dont la famille occupait aux Antilles une situation des plus hautes, par le nom et par la fortune.

Nous sommes, mon frère et moi, relativement assez pauvres, mais de bonne noblesse, et pouvant prétendre à toute alliance ; d’autre part, Miguel s’annonçait comme professionnellement destiné à un brillant avenir : rien ne s’opposait donc aux espérances qu’il avait pu concevoir.

Car il s’agissait, entre lui et la señorina Mercédès, non pas d’une galanterie passagère, mais d’une union durable, et les amoureux n’avaient guère tardé à échanger librement leurs promesses. La jeune fille se savait aimée, elle aimait, et tout entière elle s’abandonnait aux joies du sentiment nouveau, n’imaginant pas qu’une opposition quelconque pût se lever jamais entre elle et son désir : fille unique, adulée et choyée des siens, elle avait vu jusqu’alors l’autorité de tous s’incliner devant sa tyrannie d’enfant,