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LE SETUBAL

rien moins que probable : il laissait sa femme trop près de son rival, et la jalousie le torturait de craintes.

Quoi qu’il en soit, vers midi, la flottille des torpilleurs disparut à l’horizon.

Mon frère la regardait du haut de sa passerelle ; quand les dernières fumées s’évanouirent dans la brise, au bas du ciel, il se retourna vers la ville, heureux de penser que Mercédès y était libre et seule, pour quelques jours du moins. Quant à bénéficier lui-même des circonstances, pour se rapprocher de son amie, il ne pouvait l’espérer, car rien ne faisait prévoir que les rigueurs de la consigne dussent être prochainement adoucies, et son devoir l’emprisonnait à bord.

Il écrit : « Je t’aime, je pense à toi, je me délecte de l’idée que l’odieux bourreau n’est plus à tes côtés, et je me sens moins séparé de toi dès qu’il n’est plus entre nous deux. La distance est moins grande, je te vois mieux, et comme de tout près ; parce qu’il n’est plus là, je te vois à travers les murs : tu traverses ta chambre, tu viens à ta fenêtre, tu regardes vers les navires et tu y reconnais le mien ; tu me souris, je vois tes yeux, je vois jus-