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sés militaires, quand des chefs incapables les envoyaient à la mort, au Bourget, à Champigny et à Buzenval.

— Taisez-vous, communeuse, dit-il, vous n’êtes plus au club pour pérorer ainsi.

— Vous tairiez-vous, monsieur le colonel, si on vous accusait d’avoir tué votre père et qu’on vous empêchât de prouver votre innocence ? »

Le colonel se leva, arpentant la salle à grands pas, sans me répondre. Tout à coup il s’arrêta et dit au sergent qui m’avait amenée, avec une brusquerie dans laquelle il y avait de la bienveillance :

« Sergent ! Emmenez cette femme à l’Élysée, séparée des autres prisonniers. »

Le sergent me remit aux mains d’un jeune soldat défenseur de l’ordre, qui me suivit sur le trottoir à quelques pas des autres prisonniers. Chemin faisant, ce pauvre garçon tint à protester contre le rôle dont on l’humiliait :

« Je suis soldat, dit-il, et je trouve singulier qu’on m’affuble de ce costume. »

Récemment arrivé d’Allemagne, il n’avait pas pris part à la lutte dans Paris.

« Prisonnier des Prussiens pendant six mois, couché sur la dure et fort mal nourri, je n’ai