Page:Hardy - Jude l’Obscur.djvu/18

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le soleil descend dans une auréole de flammes… Alors on croirait voir… je ne sais pas quoi…

— La Jérusalem céleste ? dit le grave bambin.

— Oui… quoique je ne me sois jamais avisé de penser à cela…

Jude abandonna donc le projet de voir Christminster et se mit à errer çà et là en observant toutes choses. Quand il repassa près de la grange, il vit que les tuiliers étaient partis, mais que l’échelle était encore à sa place. Le soir tombait. Il y avait toujours un léger brouillard. Jude songea à Christminster et désira n’avoir pas marché inutilement pendant deux ou trois milles, sans apercevoir la ville qui l’attirait. Il monta jusqu’au sommet de l’échelle et s’assit sur le dernier barreau, parmi les tuiles… Au bout de dix ou quinze minutes, le brouillard s’évanouit à l’est, et un quart d’heure après, les vapeurs du couchant disparurent ; les rayons filtrèrent entre deux barres de nuages gris. À l’extrême limite du paysage, l’enfant vit briller des points de topaze, qui devinrent peu à peu des girouettes, des fenêtres, des toits d’ardoise, des clochers, des dômes… C’était Christminster ou son mirage. Le petit spectateur regarda jusqu’à ce que les fenêtres et les girouettes eussent perdu leur éclat, comme des flambeaux brusquement éteints. La vague apparition se voila de brume. Se tournant vers l’ouest, Jude vit que le soleil avait disparu. Le premier plan du paysage s’assombrissait d’une manière funèbre, et les objets les plus proches prenaient des formes et des couleurs chimériques. Il descendit l’échelle, plein d’anxiété, et s’en alla