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nora l’énigmatique

forme prendrait mon action, je ne m’en doutais pas encore. J’étais sûre de trouver des moyens…

Mon mari avait vite regretté sa décision. Juif par son ascendance, il fut tout de suite en butte aux tracasseries des Boches. Je finis par le persuader de fuir, car il était évidemment noté dans les listes noires de la Gestapo. Il était trop tard. Mon mari a été arrêté dans l’une des premières fournées d’otages que les Boches ramassaient quand trop de leurs soldats se faisaient tuer par les patriotes français… Il était allé à Nantes, pour un court voyage d’affaires… Je ne l’ai pas revu. Quelques jours plus tard, on le fusillait.

Ce fut la fin pour moi. Je te l’ai dit, je n’éprouvais pas d’amour pour lui. Mais, outre le chagrin de perdre un grand ami, je me sentis animée d’une colère froide, définitive contre les êtres inhumains qui assassinaient ainsi un homme innocent de tout crime ; un homme bon ; un esprit supérieur…

Un de ces événements que nous nommons hasards parce que nous n’arrivons pas à en démêler la cause, devait à ce moment me fournir le moyen de venger cette perte personnelle et de servir la France comme je le désirais tant. Un jour que je prenais le thé chez Rumpelmeyer avec une amie, j’aperçus à une table voisine un officier allemand dont la figure me rappelait un souvenir. C’était d’ailleurs plein d’Allemands : ces endroits ne restaient ouverts, en somme, que pour l’agrément des vainqueurs chez qui c’était une récompense fort prisée que d’obtenir une permission à Paris… Mon Allemand me reconnut aussi.

— C’était Sudermann ? demanda Édouard.