— Évidemment, répondit Nora. Mon premier mouvement s’inspirait de mon horreur pour les Boches. Mais je me suis souvenue de son étrange mission de San-Remo. Un plan fantastique commençait à germer dans ma cervelle.
J’ai revu Sudermann et j’ai joué de l’apitoiement auprès de lui. Il a fini par me considérer comme une élégante dénuée de scrupules autant que de ressources. Après bien des travaux d’approche, car il est prudent, il m’a fait comprendre que je gagnerais beaucoup d’argent en participant à un service de guerre du plus haut intérêt. Du reste, Sudermann n’est pas un homme bas. C’est un officier, comme le capitaine Benoît, qui sert son pays. Très sincèrement, il voulait me persuader qu’en devenant sa collaboratrice, je servirais ma patrie d’origine, alliée de la sienne à cette époque-là et aussi la « cause de l’humanité ». Nazi convaincu, il croit dur comme fer que le nazisme doit organiser le monde pour le plus grand bien de celui-ci. Évidemment, il convient que l’Allemagne prédominera, tout en ayant des associés subalternes et surtout des esclaves. Mais n’est-ce pas dans l’ordre des choses ? La nation allemande n’est-elle pas l’élue des puissances célestes, destinée à régénérer l’univers ?… Tu ne te rends pas compte de la bizarrerie de ces cervelles nazifiées… D’ailleurs, la lecture nous a appris que les Boches ont toujours eu ces idées : ne parlait-on pas, dans la dernière guerre, du « vieux bon Dieu allemand » ?… Je prêtais une oreille apparemment bienveillante à ses propositions.
Il faut te dire qu’une amie, connaissant mes sentiments, m’avait déjà laissé entendre qu’elle était en relations avec certain organisme où je trouverais à m’employer pour réaliser mon désir. Tant et si bien que j’ai