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nora l’énigmatique

Si tu veux. Mais, qui dira où finit le normal et où commence l’anormal ?

En tout cas, ces idées prenaient de plus en plus d’emprise sur mon cerveau. Vint un jour où elles ne me quittèrent plus. C’était une obsession. Te dire comme j’en étais malheureux !…

Prends garde que, à côté, subsistait le sentiment inaltérable que vous m’inspiriez, toi et ta mère. Seul, j’aurais pu me délivrer de mon mal, peut-être, en me confiant dans la solitude, en voyageant. Je n’étais pas assez riche pour abandonner mon travail pendant de longues périodes. Je tenais à vous garder le confort que je vous assurais. Contradiction ? Sans doute. Mets, encore une fois, que j’avais le cerveau malade…

Ce qui m’a décidé, c’est que je finissais par rendre la vie impossible autour de moi. Mon caractère s’altérait, évidemment. J’avais des sautes d’humeur désagréables. Le pire, c’était mon air absorbé qui jetait un voile partout. Le climat en devenait intenable, à la maison. Ma pauvre femme, je le sais, l’attribuait aux suites de mon service de guerre. D’habitude, elle gardait un silence parfait. Mais elle était appelée à me défendre contre sa mère, vieille chipie que je n’ai jamais pu encaisser. Oh ! celle-là !… Un médecin de mes amis, vieux camarade du front, réussit à me faire parler. Il me donnait des conseils, voulait me traiter, me faire voyager. Je me refusais à tout. Il me dit un jour : « Mon vieux, ça ne peut durer. Il faut que tu prennes une décision. Tu fais une vie de chien à José ». Il touchait la corde sensible.

Un soir, je me confiai à José, ta mère. Comme toujours, elle fut admirable. Elle comprenait tout, José ! Elle m’a compris. C’est elle, avec mon médecin, qui m’a