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nora l’énigmatique

conseillé de partir. Tous deux, bien sûr, comptaient que je rentrerais bientôt. Je ne suis jamais revenu…

Jamais je n’ai connu l’apaisement : vous avez constamment occupé ma pensée. Toutefois, l’obsession m’a quitté peu à peu.

Il serait trop long de te raconter quelle a été ma vie, depuis. J’ai fait tant de choses ! J’ai vu tant de pays !

Au début, — c’était l’été, — j’ai réalisé ce rêve de me perdre dans l’existence des humbles. J’ai parcouru les campagnes de la province de Québec, remplissant toutes sortes de petits emplois, les abandonnant à ma fantaisie, allant d’un lieu à l’autre. Je me plaisais dans la compagnie de ceux que nous appelons les braves gens. Je me dépouillais de ma personnalité.

L’hiver venu, je suis passé aux États-Unis, afin de tâter de la vie des ouvriers dans les grandes villes, de cette existence qui auparavant m’apparaissait si reposante. Mais, là, non, je n’ai pas pu. Il n’y avait plus le soleil ni les grands espaces pour faire oublier la misère. Et ce n’est pas reposant, la misère !

Je suis descendu lentement vers le sud. J’ai vécu au Mexique, dans l’Amérique centrale, dans l’Amérique méridionale. Dans ces petites contrées si curieuses, — le Guatemala, l’Équateur, la Colombie, — j’ai senti s’éveiller en moi un nouvel intérêt pour l’humanité. La vie y est si facile ! On s’y confond tellement avec la nature, une nature bienveillante et riche.

Mon métier d’ingénieur me servait : l’ingénieur est roi, dans ces pays si peu mis en valeur. Seulement, ce métier, il s’y exerce dans l’aventure encore : il n’y