quer que Nora, devenue toute grave à son tour, n’entrait pas dans le jeu. Elle finit par dire :
— Dis, amour, qué cé qué cé nouveau soldat ?
Elle montrait un homme, assis à une table voisine, nouvel arrivé dans le village puisqu’on ne l’avait jamais vu encore.
Son amoureux répondit avec brusquerie :
— Eh bien, quoi, faut-il que tu connaisses tout le monde ?
Nora insistait ; Édouard éludait la réponse, quand Laramée s’écria avec l’inconscience de l’homme ivre :
— T’es rentré trop de bonne heure chez vous, mon vieux. Autrement, tu saurais qu’il est arrivé du monde, juste avant le souper… Des soldats anglais… Paraît que, demain…
— Quoi, quoi, coupa Édouard ; qu’est-ce que tu as à raconter ? Tu parles trop, mon gars.
L’autre répondit, penaud :
— C’est vrai, sergent, excuse…
— Bon, ça suffit comme ça. Et puis, penses-tu que, dans ma petite tournée du café, je n’ai rien appris ?
L’Italienne était tout oreilles, mais n’avait garde d’intervenir. Elle buvait lentement à même le verre qu’une serveuse avait déposé devant elle.
Un autre Canadien s’approcha de la table.
— Eh, les vieux, cria-t-il, vous savez qu’on part demain pour…
Le sergent l’interrompit durement :