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nora l’énigmatique

Toute la journée, Édouard est ainsi ballotté entre la crainte de trouver Nora coupable et le désir de la disculper. S’il y attache une telle importance, c’est qu’une évolution bien marquée s’est produite en lui, depuis l’arrivée à Morona. Auparavant, il aimait la compagnie de la jeune fille : elle n’était guère, pour lui, qu’un divertissement. Elle lui plaisait, bien sûr, mais ça n’allait pas loin. Aucune fibre profonde n’était atteinte.

Il n’en est plus ainsi. Était-ce résultat de l’alerte qui avait suivi son escapade de Gerardino ? Nora s’était transformée. En ce sens qu’elle n’était plus aussi fantasque, qu’elle surveillait mieux ses sautes d’humeur. Elle pouvait être aussi vive, aussi gaie, aussi primesautière. Mais elle ne paraissait plus se plaire autant à faire enrager (à faire endêver, disait Jos. Larivier) ceux qui l’approchaient et son « cavalier » en particulier. Elle donnait plutôt libre cours à ces côtés de sa nature qui étaient bien faits pour lui attirer l’amitié, pour charmer, pour ensorceler même. « Ce qu’elle peut être aimable quand elle le veut ! » se disait Édouard lorsque commença à se manifester ce changement.

Il s’était de bonne foi proposé de remplir le rôle de surveillant que lui avait assigné le capitaine Benoît. Mais il n’y avait rien à relever dans sa conduite. Même l’esprit le plus soupçonneux n’eut pu lui reprocher quoi que ce fût. Elle se livrait aux travaux du ménage dans la famille qui l’avait accueillie, en guise de paiement pour le vivre et le couvert qu’elle recevait. Sans doute aimait-elle à se promener seule, et jusque dans la campagne. Comment l’en blâmer ?

Édouard passait, autant que possible, ses soirées avec elle. Lui qui avait cru la connaître, il la découvrait réellement. Après n’avoir vu en elle qu’une belle fille plutôt