chapitre premier
ÉDOUARD ET NORA
I
Depuis une couple de jours, Édouard Lanieu était d’une humeur massacrante. Ses camarades avaient beau essayer de l’entraîner dans une de ces réunions dont il était habituellement le boute-en-train, ils n’obtenaient de lui que rebuffades. Ils n’y comprenaient rien.
Son grand ami, Joseph Larivier, finissait par s’en offusquer.
— Vas-tu me dire, enfin, s’écriait-il, quelle mouche t’a piqué ? On dirait que tu portes le diable en terre. T’as la face longue comme d’ici à demain.
À quoi Édouard répliquait :
— Je n’ai rien et laissez-moi tranquille, vous autres. J’en ai assez de faire le fou.
Mais Jos revenait à la charge, chagrin de voir son copain gâter de belles journées.
— Écoute, j’te comprends pas. On est bien, par ici. On a un moment de bon temps qui a l’air de vouloir se prolonger, parce que les grands patrons, ma bonne foi… on dirait qu’ils nous oublient. Profites-en !