LES ARMES
DU MENSONGE
Un soir de juin 1941, en compagnie du grand architecte parisien, Charles Siclis, je rentrais à Montréal d’un court voyage au Mont-Tremblant, dans les Laurentides. Tous deux, au cours de la journée, nous avions broyé du noir. Il nous semblait que les démocraties ne parviendraient jamais à déloger l’Allemagne de la France. Tout à coup, Siclis eut une intuition :
— Le meilleur tour que pourrait se jouer Hitler, dit-il, serait d’attaquer la Russie.
— Savez-vous que, depuis la mystérieuse fuite de Hess en Angleterre, j’y ai pensé plus d’une fois ?
— Eh ! bien, si ça se produit, je vous promets une fête au champagne, chez moi, à Paris.
Siclis ne vécut pas assez longtemps pour retourner en France. Il mourut aux États-Unis quelques mois plus tard. Il eut tout de même la joie d’apprendre, dès la nuit qui suivit notre promenade, la fulgurante nouvelle : Hitler attaque la Russie !
L’optimisme nous était revenu.
Toute médaille, hélas ! a son revers. L’entrée de la Russie dans le giron « démocratique » semblait être en contradiction flagrante avec les buts de guerre de l’occident. Bien des fois, dans la suite, on allait me jeter à la face : « Comment pouvez-vous prétendre que nous nous battons pour la liberté, la démocratie et la civilisation