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les demi-civilisés

À son accent, je pensai qu’il avait dû, au cours de ces dernières années, recevoir un choc. Probablement, me disais-je, une perte d’argent.

Après bien des détours, il en vint au but de sa visite. Comme j’avais été prévenu, je l’écoutai avec calme, sans manifester aucune surprise. Cet accueil lui donna de l’assurance :

— L’affaire me semble bonne, dit-il. On vous donne cinquante mille dollars pour une revue qui, à ce qu’on prétend, a perdu, en quelques semaines, les trois quarts au moins de ses abonnés. Il est vrai que les acquéreurs espèrent, avec un changement dans l’esprit des articles, reprendre le terrain perdu.

— Où trouverez-vous vos rédacteurs et de quel esprit vous inspirerez-vous ? Ignorez-vous que, le jour où vous aurez fait, de cette publication, une réplique du « Messager de Sainte-Euphémie », pas un des abonnés actuels ne voudra vous lire ? Même les anciens, ceux qui nous ont abandonnés après l’affaire Lillois, vous dédaigneront.

— Le groupe que je représente compte bien vous garder comme rédacteurs, vous, Lucien et le Français. C’est même là une des conditions de la transaction. Vous aurez assez de talent, assez… de souplesse, pour virer sans que ça y paraisse. Il serait maladroit d’abandonner du jour au lendemain votre allure frondeuse. Il y a tant de sujets où vous pouvez fronder sans toucher