Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/138

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qui sont des hommes ; chaque fois que la France se laissera conduire par les siens, qui sont de vieux bambins, elle sera trahie et vendue. »

— Il avait tout de même un peu raison, dit Marcel en fermant le livre.

En jetant les yeux sur sa table, il vit plusieurs lettres qu’il n’avait pas encore lues. Il fit sauter une enveloppe mauve exhalant un parfum discret. Une fine écriture de femme courait sur le papier. Il lut :

Montréal, le 25 octobre…
Cher monsieur,

« Il y a dix ans, j’avais le bonheur de causer quelques instants avec vous. Vous étiez grand, beau et gai, exempt de vulgarité. Vous aviez des manières de grand seigneur. Depuis, j’ai eu la vanité de penser que je ne vous avais pas été désagréable. Le même parfum qui s’échappe de ces lignes s’exhalait alors de ma personne, et je sais que vous l’aviez respiré avec délices. Le baiser — le seul que j’aie reçu de vous — a laissé sur ma main une sensation très douce, qui reparaît chaque fois que je regarde la place où vous avez posé les lèvres.

« J’ai le malheur d’être née actrice. L’encens m’entête ; je suis lasse de n’être pas moi-même. Il me faut du repos, du réel ; je ne veux