Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/55

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sont vraiment heureuses que quand elles tombent en pleine gloire. Telle fut Rachel ; mais telles elles ne sont pas toutes. Malheur à celles qui se survivent ! Et puis, avez-vous remarqué, dans vos lectures de romans, que les femmes de théâtre qui sont frappées de célébrité sont malheureuses en amour ?

— En effet, je me souviens d’avoir lu une nouvelle… « Histoire Comique », je crois… Mais c’est pure fantaisie.

— Peut-être… Cependant, cette exaltation d’une hallucinée me donne, quand j’y pense, un froid, une douleur… physique. J’entends toujours cette condamnation de notre vie à nous : « Qu’est-ce que ça fait que je sois une grande artiste, si je ne suis pas heureuse ? »

Marcel reconduisit Germaine jusqu’à sa chambre. En passant près d’une fenêtre, ils s’arrêtèrent à regarder le fleuve, qui s’étendait, noir comme une coulée de suie semée d’étincelles sans cesse éteintes et rallumées. Leurs épaules se touchèrent un instant. Ils repartirent aussitôt dans l’étroit corridor. À sa porte, elle lui tendit la main pour qu’il la baisât. « Adieu ! » dit-il.

— Non ! Pas adieu ! Au revoir ! La vie que vous aimez nous réunira.

Rentré chez lui, Marcel fut lent à sommeiller.