sauter par la fenêtre de la voiture en pleine vitesse, après avoir déclaré qu’il savait parfaitement qu’on voulait le rouler et le faire descendre à Podmokli au lieu de Budejovice. Quelques secondes suffirent à Chvéïk pour réprimer cette révolte et pour faire rasseoir le feldkurat à sa place. Ce qui préoccupait surtout Chvéïk, c’était la crainte de voir le feldkurat s’endormir. Il le rappelait sans cesse à la réalité par des exhortations courtoises, par exemple :
— T’endors pas, espèce de charogne crevée !
Envahi tout à coup d’une humeur mélancolique, le feldkurat fondit en larmes et s’enquit auprès de Chvéïk s’il avait encore sa mère.
— Moi, mon pauvre monsieur, je suis tout seul au monde ! cria-t-il par la fenêtre ; ayez pitié de moi !
— La ferme ! c’est honteux, l’admonestait Chvéïk ; on va encore savoir que tu t’es soûlé, eh, tourte !
— Je n’ai rien bu, camarade, protestait le feldkurat, je ne suis absolument pas soûl.
Une minute après, il se démentait déjà en se levant avec ces paroles :
— Ich melde gehorsamst, Herr Oberst, ich bin besoffen.[1]
Et il réitéra dix fois de suite avec un désespoir sincère :
— Je suis un cochon.
S’adressant de nouveau à Chvéïk, il l’implora avec une insistance touchante :
— Jetez-moi hors de cette automobile. Pourquoi m’avez-vous pris avec vous ?
Ensuite, il murmura :
— Il y a des ronds autour de la lune. Est-ce que
- ↑ Je déclare avec obéissance, mon colonel, je suis saoul.