Aller au contenu

Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un ton de reproche, mais qu’est-ce que vous voulez ? on ne peut pas penser à tout, n’est-ce pas ?

Le marchand de meubles parti, c’est à Chvéïk que le feldkurat ordonna de lui tenir compagnie, et avec lui qu’il but encore une autre bouteille. Il disserta surtout des femmes et du jeu de cartes.

Les deux hommes restèrent attablés très longtemps. Le soir les surprit encore plongés dans leur amical entretien.

Pendant la nuit un petit changement devait avoir lieu. Le feldkurat retomba dans son ivresse de la veille et confondit Chvéïk avec une de ses connaissances. Il lui disait : « Ne vous en allez pas encore ; est-ce que vous vous souvenez du petit officier roux du train ? »

Cette idylle dura jusqu’au moment où Chvéïk déclara avec une énergie qui ne souffrait pas de réplique :

— J’en ai soupé, tu vas maintenant te mettre au lit et roupiller, c’est compris ?

— T’emballe pas, mon chéri ! tu vois bien, je t’obéis, bégayait le feldkurat. Tu te rappelles encore le temps où on était ensemble en troisième, quand je faisais tes devoirs de mathématiques ? Tes parents ont une villa à Zbraslav, ne me contredis pas. Vous pouvez aller à Prague en bateau, malins. Vous connaissez bien la Veltava.

Chvéïk l’obligea à ôter ses souliers et à se déshabiller. Il obéit mais grogna, faisant appel à des témoins imaginaires.

— Vous avez vu, messieurs, dit-il debout devant son armoire, comment je suis traité par ma famille. Je ne veux plus connaître ma famille, décida-t-il en s’installant sous la couverture. Même