Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/63

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lisaient l’affiche et que personne ne manifestait aucune joie. Pas de cris « Gloire à l’Empereur ! » pas un « hourra ! », Monsieur le conseiller ; ils lisaient l’affiche comme si tout cela ne les regardait pas. Alors, n’est-ce pas, moi, ancien soldat du quatre-vingt-onzième de ligne, je ne pouvais pas laisser aller la chose comme ça. Et alors, n’en pouvant plus, j’ai crié ce qu’on me reproche. Je crois qu’à ma place vous en auriez fait autant, Monsieur le conseiller. C’est la guerre et, nous autres, c’est notre devoir de la gagner et de crier « Gloire à l’Empereur » ; personne au monde ne me fera croire le contraire.

Vaincu et dompté, le fauve jaune et noir ne put supporter le regard d’agneau innocent de Chvéïk et, détournant le sien, le fixa sur le dossier en disant :

— J’admets pleinement votre enthousiasme, mais il faudrait le manifester autrement. Vous étiez sous l’escorte d’un agent de police, et vous comprendrez que, dans ces conditions, votre manifestation patriotique pouvait et devait même produire un effet tout opposé, plutôt parodique qu’émouvant.

— Quand un citoyen est escorté par un agent de police, riposta Chvéïk, c’est un moment très grave pour lui. Mais quand cet homme, même en une occasion pareille, se rend compte de ce qu’il doit faire lorsqu’il y a la guerre, je crois que cet homme-là n’est pas un méchant.

Le fauve grommela et regarda encore une fois Chvéïk dans les yeux.

Chvéïk le considéra de son regard innocent, humble, doux et plein d’une fervente tendresse. Les