Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/64

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deux hommes se regardèrent ainsi pendant un bon moment.

— Que le diable vous emporte ! Chvéïk, dit à la fin le bureaucrate ; mais si je vous revois encore une fois ici, je ne vous interrogerai même plus et je vous renverrai devant le Tribunal militaire à Hradcany.

Avant qu’il eût fini de parler, Chvéïk s’approcha, lui baisa la main et dit :

— Que Dieu vous le rende ! Si, des fois, vous avez besoin d’un petit chien de race, adressez-vous à moi, Monsieur le conseiller, je suis marchand de chiens de mon état.

Et c’est ainsi que Chvéïk put retrouver sa liberté et reprendre le chemin de son foyer paisible.

Il hésita longtemps s’il s’arrêterait au Calice, et, tout en y réfléchissant, il poussa la porte de la taverne qu’il avait quittée, peu de jours auparavant, en compagnie du détective Bretschneider.

Dans la taverne régnait un silence sépulcral. Il n’y avait que deux ou trois clients, dont le sacristain de Saint-Apollinaire. Mme  Palivec se tenait derrière le comptoir, fixant sur le zinc un regard morne.

— Me voilà de retour, dit Chvéïk avec gaîté. Un demi, s’il vous plaît. Et comment va M. Palivec ? est-ce qu’il est revenu lui aussi ?

Pour toute réponse, Mme  Palivec éclata en sanglots et, appuyant sur chaque mot comme pour exprimer tout son malheur, elle gémit :

— Ils… lui… ont… donné… dix ans… de prison, articula-t-elle ; il y a… une semaine…