Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/115

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» En 1789, elle touchait à son temps critique ; sa santé s’altéra, et dès lors une foule de médecins se présentèrent, en apparence pour la guérir, mais réellement pour la piller. Quoique ses affaires fussent dérangées, il lui restait une assez grande fortune pour tenter les désirs de la Faculté.

» Parmi cette nuée d’Hippocrates, on distingua un nommé Philippe, bien différent du Philippe médecin d’Alexandre. Celui-là convoitait la fortune en masse de madame Gallia, et il lui prescrivait un régime en conséquence. À ce Philippe se joignirent beaucoup d’autres docteurs, qui d’abord ne parurent que ses adjudants, mais qui bientôt le ruinèrent dans l’esprit de la dame, pour rester seuls les maîtres de la cure.

» La pauvre malheureuse ! comme ils l’ont traitée ! Sous prétexte de lui réchauffer le sang, qu’ils soutevaient être refroidi et presque coagulé, ils lui ont fait prendre d’abord, pendant trois années, tout ce qu’il y a d’irritant et d’échauffant dans le règne végétal… On sent très bien qu’après un pareil traitement le sang de madame Gallia s’enflamma et s’extravasa, au point que la pauvre femme tomba dans le délire. Alors, plus d’un docteur, amicus sanguinis, se déclara pour la saignée. À cet arrêt de la Faculté, on vit accourir tous les chirurgiens, carabins, maréchaux et barbiers des environs. Elle fut saignée des quatre membres ; et comme le sang ne coulait pas encore au gré des phlébotomistes, on finit par la saigner à la jugulaire.

» Tant de sang perdu devait donner un long calme à la malade ; point du tout, sa folie ne fit qu’augmenter. Sa frénésie fut bientôt au comble, et les médecins soutenaient toujours qu’elle allait parfaitement bien. Ce qui était crispation de nerfs, ils le nommaient révolution.

» Après deux ans de saignées, d’incisions, d’amputations, de scarifications et de cruciations, la malade tomba dans l’épuisement, la langueur et le marasme. Elle n’est plus aussi folle, mais elle a l’air d’une imbécile. Ses convulsions ne sont plus si violentes ; mais de temps en temps les crampes et les soubresauts font crain-