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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/120

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ge, Necker le vertueux, Necker le grand homme, Necker le dieu, Necker le charlatan, qui revient de Suisse, et qui arrive à l’Hôtel-de-Ville ? Entendez-vous qu’il demande la grâce du baron de Bezenval ? Il ne sait pas que, quand on est assez puissant pour demander la grâce de son ami, il ne faut demander que son jugement.

» Voyez le maire qui vient d’arriver de la lune, et les électeurs qui se sont faits municipaux. Voyez-vous tous ces habiles gens qui savent leur Pater sur le bout du doigt ? Ils s’écrient « Fiat voluntas tua, et sanctificetur nomen tuum. Voyez-vous le ministre qui se rengorge et qui s’en va ?

Et les districts qui s’assemblent, et qui crient, et qui hurlent, et qui raisonnent comme des districts : Point de grâce ! nous ne voulons point de grâce ! Ce baron est un aristocrate ; il faut qu’il soit jugé, il faut qu’il soit pendu. Necker se moque de nous ; c’est un autre aristocrate ; qu’il prenne garde à lui ; nous pourrions bien envoyer le dieu à la lanterne.

» Et voyez-vous Necker dans la consternation ? Il n’a pas réussi, il est atterré, et depuis ce jour-là le grand homme n’a plus été qu’un pauvre homme. Sic transit gloria mundi. »

Quinzième changement. — « Faites attention à ce grand jour du 4 février. Voyez le roi qui se rend à la salle du manége pour épouser la constitution. Il faut espérer que l’assemblée prononcera bientôt le divorce. Écoutez son discours. Le langage ambigu du Genevois Necker pouvait-il convenir à la bouche vertueuse du monarque français ? Regardez les députés : leurs sentiments se peignent sur leurs physionomies ; les uns frémissent de rage, les autres pleurent, le grand nombre applaudit ; et le roi sort, et l’on se met à jurer ; et l’on admet au serment les femmes, les écoliers, les moines, les soldats, les religieuses ; et c’est une maladie qui gagne les districts ; et toutes les mains sont en action : mettez les vôtres dans vos poches, car il n’y a pas de sûreté. »

(La Lanterne magique, par Mirabeau le jeune.)