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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/137

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Geoffroy avait succédé à Fréron dans la rédaction de l’Année littéraire. Pendant les deux premières années de la révolution il avait coopère à la rédaction de l’Ami du roi, et quand ce journal fut violemment supprimé en 93, il était allé cacher sa tête proscrite dans un village, où il s’était fait maître d’école. Revenu à Paris après le 18 brumaire, il fut choisi pour rendre compte des théâtres dans le Journal des Débats.

Geoffroy avait donc tout ce qu’il fallait pour faire un excellent journaliste ; il réunissait à un haut degré deux qualités essentielles : c’était à la fois un homme d’érudition et d’actualité, un homme de souvenir et d’à-propos. À son avénement aux Débats, la révolution ou plutôt la restauration qui fermentait dans toutes les idées, trouvant un organe, se manifesta avec un éclat et une puissance incroyables. On avait donné à Geoffroy, dans le Journal des Débats, un département ; il en fit un royaume. La littérature ancienne et moderne, l’histoire, la philosophie, la morale, la politique, tout rentra dans le feuilleton. La liberté, qui n’existait pas à cette époque, pour la presse, dans la partie politique proprement dite, la liberté, qui n’existait plus au premier étage du journal, qu’on nous passe ce terme, se réfugia dans le rez-de-chaussée de Geoffroy. De là elle dit tout ce qu’elle voulut dire, tout ce qu’il fallait dire. Les plus hautes questions politiques s’y agitaient, en dépit même du souverain, sous la forme d’éphémérides politiques et littéraires, ou sous le prétexte d’une mauvaise tragédie.

Dès que Geoffroy fut monté sur le trône du feuilleton, une guerre sans trève, sans merci, une guerre à mort commença contre tout ce qui se rattachait de près ou de loin au philosophisme et à l’esprit révo-